Seeds - Limited

"Seeds", l’album sublime d’Alan James Eastwood, est un classique oublié du folk-funk.

Mais qui était Alan James Eastwood ? Il n’a jamais connu la gloire, et le succès commercial lui a toujours échappé. Au milieu des années 1970, sa carrière musicale était pratiquement terminée, et il restait quasiment inconnu, sauf auprès de quelques initiés parmi lesquels il allait acquérir un statut culte.

Les exemplaires originaux du vinyle de Seeds, sorti en 1971, s’échangent à prix d’or – si tant est qu’on parvienne à en dénicher un. Cette réédition double LP enrichie contient un disque supplémentaire rassemblant 9 raretés issues de 45 tours hors album, et se présente dans une pochette ouvrante avec des notes de livret inédites rédigées par Paul Hillery (Folk Funk & Trippy Troubadours).

Avec cette réédition deluxe, attendue depuis bien trop longtemps, nous espérons enfin mettre en lumière le génie méconnu d’Alan James Eastwood. Pour les fans de Nick Drake, Rodriguez, Richie Havens.

Alan James "Bugsy" Eastwood était un musicien et chanteur reconnu, révélé à la fin des années 1960 avec The Exception, un groupe de Birmingham aussi talentueux que sous-estimé. The Exception a sorti de nombreux singles – le premier incluait même son ami Robert Plant au tambourin – avant un album intitulé The Exceptional Exception. Mais à ce moment-là, Bugsy se sentait déjà à l’étroit et en manque de liberté. Il quitta le groupe quelques semaines seulement après la sortie de l’album.

Disparu de la scène, il peaufina une approche plus intime et introspective de l’écriture. Ses maquettes parvinrent à l’ingénieur du son et producteur Mike Cooper, installé aux studios Pan de Denmark Street. Séduit, Cooper organisa rapidement une session d’enregistrement avec Eastwood. Alan, sa guitare et son harmonica : la magie opéra immédiatement. Doté de chansons fortes, d’une voix saisissante et d’un talent exceptionnel, le résultat ne pouvait être que remarquable. Mike raconte :

« Nous avons fait appel à John Hawkins pour les grands arrangements de cordes, et à Richard Hewson pour un quatuor à cordes. Nous avons ajouté les orchestrations par-dessus les enregistrements originaux d’Alan, avec Chris Karan aux tablas et autres percussions. Nous avons envisagé de réenregistrer les voix, mais l’intensité de la performance originale était telle qu’un overdub n’aurait jamais égalé cette atmosphère ‘live’. »

Mike et Alan ont abordé chaque morceau comme une entité propre, conférant à l’album une palette sonore variée. Ils ont sélectionné l’arrangeur idéal pour chaque chanson. Des musiciens de studio de haut vol ont été mobilisés : Byron Lye Fook (père du musicien Omar) à la batterie, Mike Ward à la basse, Brian Pickles au marimba, et Chris Karan aux percussions et tablas. Enregistré en quelques jours dans le modeste studio 8 pistes de Pan, l’album a été enrichi d’overdubs minutieux, de sections rythmiques, et de quatre sessions de cordes arrangées par Hawkins, certaines enregistrées aux Trident Studios sous la direction de Hewson.

Seeds est le premier – et seul – album solo d’Alan James Eastwood, initialement sorti chez President en 1971. Il mêle ses sensibilités rock à une fibre folk avec brio. Sa voix envoûtante – profonde, rugueuse et pleine d’âme – portée par des arrangements somptueux de cordes, offre une écoute exceptionnelle. C’est un véritable chef-d’œuvre de songwriter des années 70, avec des touches d’acid-folk et de folk-funk.

L’album s’ouvre sur She’s Getting Married In August, une ballade douce enrichie par les cordes de Richard Hewson autour d’un motif de guitare simple. Suivent l’enjoué Evenin’ Rain, porté par des guitares baignées de soleil et des cordes aériennes, puis le délicat Les Papillons, rehaussé d’un accordéon subtil. Vient ensuite le bluesy Zeena, où Eastwood alterne chant, guitare acoustique et harmonica avec aisance. Virgin Morn, qui commence en ballade, monte en puissance avec des cordes lyriques et des chœurs gospel de Marilyn Powell et de la chanteuse jazz Josephine Stahl. La face A se conclut sur Seeds, le titre éponyme : un mid-tempo chaloupé, une voix soulful et des arrangements de cordes dignes de Bacharach – un morceau à couper le souffle.

La face B démarre avec Crystal Blue, magnifiée par le marimba de Lye Fook, des chœurs gospel et des claquements de mains. L'acoustique Lady Carole débute comme une ballade blues avant de s’élever grâce aux cordes. Lotus Child, un sommet d’émotion, est un véritable bijou d’arrangement : harmonies vocales, cordes de Hawkins, lignes de basse et rythmiques qui évoquent le son de Laurel Canyon à Los Angeles. Last Prayer, hommage à son amour de toujours, est une prière poignante où se mêlent voix mélancolique et cordes dignes d’un film de Fellini. Enfin, l’album se clôt avec Hymn For Today, une raga mélodique aux sonorités psyché, avec tablas, cordes et cette phrase prophétique d’Eastwood :

« I am real. At last, I am real » – Je suis réel. Enfin, je suis réel.

Le deuxième disque s’ouvre sur le funky minimaliste teinté de country Boston, face B du 45 tours Seeds. Viennent ensuite deux morceaux issus de son tout premier single solo en 1968. Blackbird Charlie, nonchalant et dans la veine de Bobby Charles, révèle toute la profondeur de son écriture, tandis que My Sun, face B d’une beauté brute, annonce déjà l’univers de Seeds avec son atmosphère folk planante.

En 1972, deux nouveaux 45 tours voient le jour. Le premier contient la bombe folk-funk Closer To The Truth, menée par une flûte entêtante, accompagnée du blues funky Strange News. Le second inclut Moonchild, émouvant hommage dans l’esprit de Richie Havens, aujourd’hui encore encensé, accompagné de Red Shoe Truckin’, un groove contagieux. Alan collabore aussi avec Marilyn Powell pour un single produit par Mike Cooper, compagnon de Powell. Sous le nom Eastwood & Powell, ils signent une version bouleversante de Beautiful (chanson de Carole King, arrangée par Ivor Raymonde), avec en face B une perle funky signée Eastwood, Opal Blue Sunday. À ne surtout pas négliger.

Au fil des années, Alan est resté actif dans le milieu musical, mais l’alcool et des complications liées au diabète ont gravement affecté sa carrière. Il a vécu ses dernières années à Londres, jusqu’à sa mort prématurée d’une insuffisance cardiaque, le 25 octobre 2007, un jour avant son 62e anniversaire. Sans jamais avoir reçu la reconnaissance que sa musique méritait tant.

Cette réédition deluxe, envoûtante de bout en bout, espère réparer cette injustice. Le mastering de cette édition double vinyle a été supervisé par Simon Francis (Be With Records), avec une gravure de Cicely Balston aux légendaires studios Abbey Road, et une fabrication aux Pays-Bas par Record Industry. La pochette originale a été soigneusement restaurée par Be With, et enrichie de notes passionnées spécialement rédigées pour cette réédition historique par Paul Hillery.